Le premier supraconducteur à sens unique pour économiser de l’énergie
Une diode supraconductrice construite à partir d’un sandwich de couches de l’épaisseur d’un atome pourrait permettre d’économiser de grandes quantités d’énergie dans l’informatique traditionnelle et de transformer les ordinateurs quantiques supraconducteurs.
Une diode supraconductrice
La diode – un composant électronique qui permet à l’électricité de circuler préférentiellement dans une direction – est un élément fondamental du transistor, le composant de base de l’informatique moderne. Les diodes et les transistors sont fabriqués à partir de semi-conducteurs qui présentent une résistance électrique, ce qui signifie que l’énergie est perdue sous forme de chaleur.
Les supraconducteurs sont des matériaux sans résistance et donc sans perte d’énergie, mais ils ne fonctionnent pas comme composants de diodes, puisque la résistance est le moyen par lequel les diodes traditionnelles garantissent que l’électricité ne circule que dans un seul sens.
Maintenant, Mazhar Ali, de l’université technologique de Delft, aux Pays-Bas, et ses collègues ont fait la démonstration d’une diode supraconductrice pour la première fois. Ils ont pris en sandwich une couche 2D d’un matériau appelé niobium-3 bromine-8, dont on pense qu’il possède un champ électrique intégré, entre deux couches supraconductrices 2D.
Lorsque les électrons traversent la structure dans un sens, ils ne rencontrent pas de résistance, mais dans l’autre sens, ils en rencontrent. « D’un point de vue fondamental, cela n’avait pas été prédit », déclare Ali. « Nous venons de le faire expérimentalement – il n’y avait aucune prédiction avant cette réalisation expérimentale ».
Le résultat était si inattendu qu’Ali et son équipe ne comprennent pas entièrement comment la diode supraconductrice fonctionne. « Les gens en ont une idée approximative, mais une théorie rigoureuse n’existe pas encore », déclare Ali.
Économiser de l’énergie
Outre la réécriture de la théorie, cette découverte pourrait également avoir d’importantes applications pratiques. Les ordinateurs et les centres de données consomment entre 10 et 20 % de l’électricité mondiale, dont une grande partie est gaspillée sous forme de chaleur due à la résistance électrique des transistors.
La création de semi-conducteurs supraconducteurs pourrait permettre aux ordinateurs d’utiliser des centaines de fois moins d’énergie et de fonctionner à des vitesses des centaines de fois plus rapides, explique M. Ali.
En plus d’économiser de l’énergie, cette diode pourrait être cruciale pour les progrès de l’informatique quantique. Elle fait appel à un phénomène appelé « effet Josephson« , un processus quantique qui permet aux électrons de traverser par effet tunnel un espace entre deux supraconducteurs.
Les dispositifs Josephson sont largement utilisés dans l’informatique quantique supraconductrice, mais l’introduction d’une diode Josephson pourrait transformer les types d’ordinateurs quantiques qui peuvent être construits.
Un dispositif Josephson
« Ce qui est particulièrement impressionnant dans ce résultat, c’est le fait que l’on dispose également d’un dispositif Josephson, car cela introduit toute une série de propriétés physiques supplémentaires que l’on n’aurait pas, par exemple, dans un fil supraconducteur », explique Jason Robinson de l’université de Cambridge.
Ali et son équipe ont maintenant pour objectif d’utiliser leur découverte pour construire un transistor supraconducteur, mais des défis les attendent. Leur diode actuelle fonctionne à environ 2 kelvins, soit -271°C, ce qui nécessite plus d’énergie à maintenir que la diode ne pourrait en économiser.
Ali pense que des matériaux alternatifs pourraient être utilisés pour faire fonctionner cette diode à des températures supérieures à 77 K, la température à laquelle l’azote est liquide, ce qui permettrait aux diodes d’économiser de l’énergie.
Automatisé la production à grande échelle
Cette diode est également construite selon un processus manuel, qui consiste à décoller soigneusement les couches de supraconducteur et à les empiler. Ce processus devrait être automatisé pour la production à grande échelle de ces dispositifs, explique Ali.
Cette recherche a été publiée dans Nature.
Source : New Scientist
Crédit photo : StockPhotoSecrets